Nous avons reçu  un message de M. Patrick Gilot disant qu’il possédait une autre peinture identique au saxophoniste dédicacée "A mon grand ami  Serge" et signée "PC HARTIER". Cette peinture représente son père Serge, né en 1915, ayant fait la connaissance de Pierre Chartier dans le « groupe créer » dirigé par Pétronio. Bien plus jeune que Pierre, Serge faisait de la musique dans le groupe et Pierre lui demanda de poser pour lui avec son instrument de musique. Happé ensuite dans la guerre de 39-45, Serge Gilot fut de suite prisonnier et quand il revint, Pierre était parti dans la Creuse. Ils correspondirent mais apparemment ne se revirent pas. On ne savait pas jusqu’à présent qui était ce joueur de saxophone.

Ils avaient tous les deux vingt ans en 1958. Ils arrivèrent à Chambon par le car, se dirigèrent vers le restaurant « Petit Jean » et demandèrent où trouver une chambre. Ils avaient été embauchés par la MEGA (l’inverse de la SAGEM en supprimant le S), au bord de la Voueize, une entreprise en plein boum qui travaillait pour approvisionner l’armée française en Algérie d’émetteurs radios et autres produits utiles à la guerre.

Plus de 300 ouvriers ! Belle époque pour les habitants de Chambon qui ne savaient pas trop ce que l’on faisait en Algérie et à quoi ils devaient leur emploi.

-Vous trouverez peut-être encore une chambre chez le père Chartier, rue des Fossés ! leur répondit-on.

Un homme bizarre leur ouvrit. Soixante cinq ans environ, la casquette sur l’œil, le regard sombre.

La MEGA ? Une saloperie d’entreprise, pour lui qui est antimilitariste. Oui il a une chambre.

-Vous trouverez une chambre là-haut, à gauche. Je ne veux pas de bruit la nuit, et puis vous fermez bien la porte quand vous partez le matin.

  Pas de chauffage, un broc pour se laver, à condition d’aller chercher l’eau dans la cour. Les WC au fond de la cour.

Et puis, les scellés sur une partie des portes… Qu’est-ce ?

Ils apprennent à la MEGA qu’ils doivent payer le loyer à un huissier Chatard près du petit pont, parce qu’il y a procès sur l’héritage.

  Le père Chartier réclame le paiement du loyer. Les jeunes, dûment avertis, disent qu’ils paieront à l’huissier. Voilà encore des ennemis. Et l’électricité ? Les jeunes disent qu’ils payeront tout à l’huissier. Il insiste. Alors les jeunes vont la lui payer mais avec un sac de toutes petites pièces.

Pierre Chartier les regarde de travers.

Quand les jeunes reviendront du travail, ils trouveront une caricature peinte sur le mur, en bas de la maison. L’un deux, dont le visage est bien reconnaissable, est pendu à une potence. Ils regardent avec perplexité.

  Ils ne savent pas que Pierre Chartier est peintre, qu’il peint la nuit, a besoin de silence et dort le matin. Il frappe souvent au plafond avec un manche à balai. Ils ne verront pas sa peinture. L’un deux traverse un jour une pièce encombrée de tableaux mais ne comprend pas réellement ce que fait le logeur.

Ils ne savent pas que sa femme est morte et que la belle famille conteste l’héritage alors qu’ils se sont mariés sous le régime de la communauté.

  Deux jeunes femmes louent également chez Pierre Chartier. Ils font leur connaissance et ont retenu leurs noms. Elles ont de bonnes relations avec Pierre.

Ils se souviennent de la moto, toute rafistolée avec des pièces diverses et opposées; et des difficultés à la mettre en route, ce qui les amusait beaucoup.

Finalement ils trouveront un autre gîte et oublieront.

La MEGA ferme cinq ou six ans après…

Cousin issu de germain de Pierre Chartier, mort en août 2011, une des rares personnes de la famille ayant assisté à l’enterrement de Pierre en 1980 avec son père. Il visitait régulièrement Pierre, acceptait son genre de vie et son désordre, et se mit à faire de la peinture dont nous donnons quelques spécimens.